Nulle part ailleurs la création d'un musée d'art contemporain n'a eu autant d'impact sur un quartier, sur une ville, qu'à Anvers.
29 Novembre 2025 - 03h01 – OpinionDanny Devos est artiste à Anvers. Il plaide pour la préservation du Musée d'art contemporain dans sa ville.
Si l'on remonte 100 ans en arrière à Anvers, on tombe sur Boem Paukeslag, de Paul Van Ostaijen, qui formait avec ses acolytes Paul Joostens, les frères Jespers et le compositeur Jef van Hoof une « société artistique ». Depuis lors, d'innombrables mouvements d'avant-garde ont vu le jour à Anvers. Presque tous ces mouvements ont également quitté les sentiers battus du parcours artistique et ont eu une influence sur la société.
Grâce au mouvement G58, le grenier de la Hessenhuis devient une plateforme pour des expositions, du théâtre et de la danse, de la poésie, des conférences et des débats.
Peu de temps après, les happenings de Panamarenko et Hugo Heyrman se transforment en un mouvement social qui libère le centre-ville de la voiture et le rend aux habitants.
Plus tard encore, l'association d'artistes VAGA milite pour la création d'un musée d'art contemporain en occupant le Musée royal des Beaux-Arts. Cela a pour conséquence directe que le roi Baudouin attribue au Palais royal sur la Meir une destination culturelle, au profit des artistes.
Il y a 25 ans, un groupe d'artistes occupait ce même Palais royal pour réclamer des lieux d'exposition, des ateliers d'artistes et un statut garantissant la protection sociale des artistes. Les discussions avec le ministre et les échevins de la Culture de l'époque aboutissent à la création du centre artistique NICC, géré par des artistes, à la mise en place d'une politique d'ateliers pour Anvers et à l'adoption d'un statut fédéral pour tous les artistes.
Ces 100 années d'activité artistique intense à Anvers ont fait de cette ville le centre culturel de la Belgique, puis de la Flandre. Nulle part ailleurs la population artistique n'est aussi importante et active qu'à Anvers. Nulle part ailleurs le monde des galeries n'est aussi passionnant qu'à Anvers. Nulle part ailleurs la création d'initiatives artistiques et de lieux de création n'est aussi fructueuse qu'à Anvers. Nulle part ailleurs l'implantation d'un musée d'art contemporain n'a eu autant d'impact sur un quartier, sur une ville, qu'à Anvers. Nulle part ailleurs les artistes, galeristes, collectionneurs, amateurs d'art, mais aussi cafetiers, restaurateurs, boutiques de design, cafés et bars à cocktails n'ont uni leurs forces pour transformer en un clin d'œil un quartier en friche en un amalgame vivant d'activités sociales.
Tôt ou tard, toute cette effervescence artistique trouve son aboutissement là où elle a sa place : dans un musée d'art contemporain. Tout comme les œuvres de Rubens ont trouvé leur place dans des églises, des cathédrales et des musées permanents, tout comme les imprimés de Plantin et Moretus sont soigneusement conservés dans un musée Plantin et Moretus, tout comme l'histoire folklorique d'Anvers est conservée dans un musée au bord du fleuve, tout comme l'histoire littéraire d'Anvers est conservée dans une maison des lettres, tout comme l'influente histoire de la mode anversoise est conservée dans un musée de la mode, l'importante histoire de l'art contemporain mérite également d'être conservée dans un musée. Dans un musée d'art contemporain qui collectionne, conserve, expose, étudie historiquement et partage cette histoire avec la société contemporaine. Et ce, non seulement pour Anvers, pour la Flandre, pour la Belgique, mais pour le monde entier !
En préservant ce musée d'art contemporain à Anvers, Caroline Gennez peut, dans un moment de courage et de révision, graver son Ministère de la Culture dans l'histoire.
Danny Devos
Artiste à Anvers
Ce texte a été publié sous forme d'article d'opinion dans De Morgen.
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